Les jeux sont des espaces d’expérimentation et, quand ils sont stabilisés, d’apprentissage.
Or l’idée de société conviviale à grande échelle ne va pas de soi ; c’est ce qui fait l’intérêt d’un jeu tel que Commonspoly, une sorte d’anti-Monopoly, consacré, non à l’enrichissement des joueurs, mais à l’animation et la valorisation des « commons », c’est-à-dire des biens communs qui nous sont nécessaires pour faire société.
Je n’ai pas encore expérimenté Commonspoly, mais j’ai monté dans le passé diverses simulations ; dérivées du « dilemme du prisonnier », elles poursuivaient un objectif semblable.
De tels « jeux » à visée théorique sont fertiles…
– par les contacts dont ils sont l’occasion entre personnes ayant des préoccupations similaires,
– par les idées qu’ils font naître et les réflexions ou productions qui en résultent,
– par les démonstrations qu’ils permettent lorsque, la problématique à tester est assez circonscrite pour que la simulation vaille d’être menée à terme.
C’est dire que les jeux sont des expériences sociales et qu’ils ont vocation à jouer dans les sciences sociales un rôle analogue à celui, par exemple, des expériences de pensée en philosophie.
C’est la raison pour laquelle je signale Commonspoly aux convivialistes.
Le jour où la pensée convivialiste sera stabilisée, un jeu (je suggère « Conviviality « ) s’en déduira comme le Monopoly, jadis, s’est imposé, porté par les réalités que l’économie américaine produisait…
Appelé « The Landlord’s game », il a été inventé en 1904 pour mettre en garde contre les effets pervers de la rente foncière.
Cette observation avait été popularisée par Henry George (1839-1897), un économiste que l’école néo-libérale a marginalisé. Ses thèses sont aujourd’hui brillamment reprises et actualisées par Michael Hudson. Celui-ci, économiste lui-même et essayiste, est par ailleurs un historien de l’économie dont les travaux ont inspiré le « Debt, the first 5000 years » de David Graeber.
Ce jeu, en 1931, sera repris par un chômeur qui en aménage les règles et le rebaptise « Monopoly ». Il ne s’agit plus de dénoncer une aberration économique, mais de s’en amuser pour en tirer parti. Objectif pleinement atteint malheureusement : le Monopoly est l’un des plus populaires jeux de plateau mais surtout, 114 ans après l’invention du « Landlord’s Game« , force est de constater que deux « Grands Maîtres » de ce jeu (le president Donald Trump et Jared Kushner, son gendre et conseiller) pèsent bien lourdement sur le destin du monde.
Alors, ne négligeons pas cette option : si le « réalisme » nous enferme dans le calcul et l’utilitarisme, c’est par l’imagination et le jeu qu’on peut s’en libérer.
Voilà quel est « l’enjeu » d’un tel jeu.
Y a-t-il des gens pour débattre, imaginer et tester un jeu à naître qui pourrait légitimement s’appeler « Conviviality » ?
Quelques liens pour aller plus loin
ZEMOS98 is a team of cultural workers
Retour d’expérience sur Commonspoly
Concepts clés de l’univers des Communs