Il y a des images de fin du monde dans leurs yeux et dans leurs témoignages. L’horreur a bien d’autres visages mais il est rare qu’on y survive.
Écoutez et voyez les marins britanniques vétérans des essais nucléaires dans le Pacifique. Simples opérateurs de grands desseins criminels, ils n’étaient pas la cible et n’ont participé au désastre que de loin.
Ordre leur fut donné de ne pas voir, d’enfouir le visage dans le coude.
D’autres mirent les mains sur les yeux. Ils virent, non pas l’explosion, mais le squelette de leurs doigts. L’image de leur propre mort imprimée au fond du crâne, ils sont toujours là mais, malgré la distance et après tant d’autres déjà morts, affectés des maux de l’irradiation. Continuer la lecture de « Vouloir ne pas voir »
Mois : septembre 2018
La civilisation comme illusion (1)

Valéry est un de mes frères en pensée.
À vingt ans comme lui (qui en avait vingt-trois quand il écrivit sa « Soirée »), je me suis rêvé en Monsieur Teste.
Ce « frère », je le suis resté. Comme Teste, « je me suis préféré » et je n’ai jamais été possédé par « la niaise manie » de mon nom.
De Paul Valéry (1871-1945), c’est moins sûr. Il a donné au public « le temps qu’il faut pour se rendre perceptible » et moi, bon public, j’ai suivi, l’âme vague, ses mystères poétiques.
L’âme vague peut-être mais le cœur froid, ce qui m’a fait préférer Georges Brassens, l’autre poète de Sète. D’où le grand rire qui m’a saisi lorsque j’ai découvert les efforts du colonel Godchot : « Essai de traduction en vers français du « Cimetière marin de Paul Valéry » (1933).
Tout cela n’en est pas moins maigre et sec. C’est donc à un autre Valéry que je reviens (mais je le fais tous les dix ans peut-être, à chaque étape de ma méditation politique), à l’auteur non d’une œuvre mais d’un vertigineux incipit :
« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. »
Je viens de relire ses « Essais quasi politiques » et certains de ses textes sur l’histoire. Sous le lien que voici, vous trouverez les extraits que j’en garde. Je vous les recommande.
Continuer la lecture de « La civilisation comme illusion (1) »
Changer de paradigme, pourquoi ? (Christian Comeliau)
Cette note s’inscrit dans une série d’échanges récents que j’ai eus avec Pierre NICOLAS pour essayer de préciser le contenu que nous voulons donner à la recherche sur « le changement de paradigme ». Nous sommes tous deux d’accord sur la nécessité d’une réflexion approfondie sur ce thème ; mais nous ne lui donnons pas exactement le même contenu.
Les quelques lignes ci-dessous essaient de mieux expliquer le contenu que je souhaite donner à cette notion.
Voir infra les ouvrages disponibles de Christian Comeliau
Pour tenter d’illustrer la nécessité de cette réflexion de manière concrète, je prends comme point de départ un évènement récent survenu en France et abondamment commenté dans la presse, à savoir la démission de Nicolas Hulot de son poste de Ministre de la Transition Ecologique dans le gouvernement d’Edouard Philippe. Je ne reviens pas sur les détails de cet évènement, dont les grandes lignes sont bien connues, et je me borne à en esquisser trois caractéristiques qui me paraissent utiles lorsqu’il s’agit de définir la recherche évoquée ici.
Continuer la lecture de « Changer de paradigme, pourquoi ? (Christian Comeliau) »
Propositions pour un nouveau paradigme
Lorsque, en septembre 2001, le World Trade Center s’est effondré, j’étais depuis six mois retiré de la vie des affaires et désireux de me consacrer à « l’écriture », dans deux domaines : la philosophie politique et le roman.
Depuis, j’ai produit des milliers de pages, plus soucieux de contenus que de publications…
Politiquement, il m’a longtemps semblé que quelque chose pouvait m’échapper qui serait susceptible de changer les proportions de ce que j’avais conçu. J’ai donc avidement suivi l’actualité à la recherche de processus que j’aurais négligés mal compris.Cette incertitude et des contraintes d’ordre personnel m’ont fait différer le « bouclage » du roman, une vaste saga historique dont la trame définitive est structurée par le travail philosophique.
C’est parce que celui-ci était stabilisé que, début 2018, à la faveur d’une amicale invitation, je me suis associé au mouvement convivialiste.
Dix ans plus tôt, à la faveur d’un échange sur les conséquences (intellectuelles) à tirer de l’écroulement des tours du World Trade Center, j’écrivais :
« La question est de savoir s’il y a lieu ou pas de changer de paradigme et comment.
Quand cela se fait, c’est toujours pour des raisons idéologico-politiques ET sur des faits dont on ne peut rendre compte dans le paradigme précédent.
L’écroulement des tours et immeubles 1, 2 et 7 du World Trade Center est un groupe de faits de cet ordre.
Reste à élaborer ce nouveau paradigme.
Il peut être suggéré « artistiquement » et développé intellectuellement, mais ne peut se constituer que par un processus collectif. »
Il me semble – du moins, je l’espère – être parvenu au début de ce processus collectif. Continuer la lecture de « Propositions pour un nouveau paradigme »
Changer de paradigme politique
C’était il y a dix ans, le 6 octobre 2008, dans la suite de réflexions suscitées par un autre anniversaire du « 11 septembre ».
Avec l’un de mes correspondants, je faisais le point sur l’incohérence des thèses officielles concernant l’écroulement des tours du World Trade Center sept ans avant, et sur les lacunes des thèses alternatives.
« La question, disais-je, est de savoir s’il y a lieu ou pas de changer de paradigme et comment.
Quand cela se fait, c’est toujours à la fois pour des raisons idéologico-politiques ET sur des faits dont on ne peut rendre compte dans le paradigme précédent.
L’écroulement des tours et immeubles 1, 2 et 7 du World Trade Center est un groupe de faits de cet ordre.
Reste à élaborer ce nouveau paradigme. Continuer la lecture de « Changer de paradigme politique »
Sommes-nous prisonniers de notre aveuglement ?
Sommes-nous prisonniers notre aveuglement ou est-ce une protection contre l’insupportable ?
AVEUGLEMENT subst. masc. A.Rare. Action d'aveugler, de priver quelqu'un de la vue. B.
État d'un être privé du sens de la vue. 1. Privation définitive, irrémédiable de la vue. Synon. cécité 2. Baisse momentanée de l'acuité visuelle due à l'intensité trop vive de la lumière. Synon. éblouissement 3. Au fig. Fait de priver quelqu'un de discernement de sens critique; état d'une personne privée de discernement, de sens critique (notamment sous l'empire de la passion). L'aveuglement de l'esprit est aussi digne de compassion que celui du corps (Ac. 1878, 1932)
Au plur. Jugements erronés causés par la passion
Avec l’allégorie de la caverne, Platon en évoque les effets…
L’apologue a marqué les esprits, Nous ne l’avons pas oublié… Continuer la lecture de « Sommes-nous prisonniers de notre aveuglement ? »
L’ostracisme, un vice démocratique
L’ostracisme est aujourd’hui manifeste un peu partout. Dans les vieilles « démocraties », il choque plus qu’ailleurs parce qu’on l’y croit contraire aux valeurs fondatrices.
C’est faux.
Pour deux raisons…
La première est que les « démocraties » existantes sont d’abord des « républiques aristocratiques », c’est-à-dire des territoires, des ressources et des populations sous la gouverne d’une « élite » auto-instituée vouée à la préservation de ses intérêts collectifs.
La seconde est que cette élite contrôle la « Cité » en s’alliant « le peuple » au nom duquel, « démocratiquement », elle gouverne. Encore faut-il donner à ce peuple cette apparence de souveraineté qui permet, au « great American people » par exemple (insister sur « great »), d’en déléguer l’exercice à l’élite qui prétend le représenter. Les procédures électorales et le dispositif constitutionnel sont ici doublés d’une coalescence entre un petit nombre de « dirigeants charismatiques » et « la foule ». Celle-ci, manipulable et méprisée, crainte et souvent misérable, ne tient comme « peuple » (remplissant sa fonction conservatrice) qu’à condition de réactiver périodiquement la distinction nous vs eux qui la fait consister, malgré sa diversité objective et ses dissensions internes.
Fragile alliance donc qu’un échec ou une crise suffisent à mettre en cause. D’où la nécessité où se trouvent les gouvernants insécures de se doter d’une politique d’ostracisme externe (l’ennemi, héréditaire ou cisconstanciel) et interne (les « moins que rien » qui tirent de la Cité des avantages indus). Continuer la lecture de « L’ostracisme, un vice démocratique »