La Vierge diabolique des Patarins

En continuité avec sa collection d’oeuvres italiennes (XIV, Jacquemart-André expose celle d’Alana (Ál-Ana = Alvaro Saieh et Ana Guzman Ahnfelt, son épouse). Les salles sont complémentaires mais, malgré la fortune d’Álvaro Saieh, la 4ème du Chili et la 730ème du monde, ce qui pouvait se faire au début du XXe siècle n’est plus vraiment accessible aujourd’hui.
Il n’en reste pas moins que la densité d’affichage impressionne…

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Présentation actuelle de la collection Alana à Newark, Delaware (USA)

On admire au début et l’on se prépare à déguster chaque œuvre avec la même attention, mais bientôt l’ensemble, quoique très cohérent, se révèle très inégal.
Quelques tableaux s’en détachent…

Un Sixte II (+258), de Fra Angelico (1400-1455)…

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Des maniéristes charmants et maladroits, comme cette Descente de Croix

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ou cette Lamentation, de Francesco Granacci (1469-1543)…

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En plus savant, on note un Salvator Mundi de Vazari (ca 1561)

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Ce saint Michel archange de Jacopo di Antonio (1427-1454), le Maître de Pratovecchio…

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dont le dessin prépare à celui de Bottichelli…

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Dans un style également très dessiné, de Filippino Lippi (1457-1504) dont le père, Fra Filippo Lippi (1406-1469), moine défroqué, fut également le maître de Botticelli (1445-1510), une contribution intéressante à la chapelle de San Donato…

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On y découvre saint Ubald, évêque de Gubbio vers l’an mille, mort couvert de pustules, vengeance probable des démons qu’il chassait.
Est-ce pour cette raison qu’il se montre attentif aux conseils d’un évêque plus expérimenté : saint Fridianus de Luques (520-588) ?
Celui-ci, prince irlandais devenu ermite en Italie, impressionnera la population par sa sagesse et son savoir. Devenu évêque, il conduit les travaux qui la protègeront des inondations du Serchio, troisième fleuve de Toscane, avec ce qu’elles entraînent de maladies, mais aussi de vies et de récoltes perdues.

Les évêques médiévaux gèrent des villes-marchés au bord des fleuves, mais ceux-ci, indociles, débordent, tuent et se rebellent jusqu’à noyer le parvis de la cathédrale. Ce sont donc des créatures du diable, de véritables dragons qu’il revient à la plus haute autorité de dompter.
Tel est l’exploit qu’accomplissent les grands évêques, ceux qu’on célèbre dans les grandes villes.

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Saint Clément (IIIème siècle), premier évêque de Metz, conduisant le Graouilly vers la Seille où il se noie, mettant ainsi fin à l’épidémie qui ravage la région.

Avec le temps, le dragon disparaît mais l’opération reste miraculeuse : saint Fridianus, avec son râteau, ne creuse pas à la rivière un nouveau lit ; il ne s’en sert que pour désigner (sur 3 kilomètres) le trajet qu’il lui ordonne et la rivière obéit !

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Saint Fridianus détournant le cours du Serchio (1538. Florence. Musée des Offices)

Enfin, à la Renaissance, le saint n’est plus qu’un ingénieur, accompagné du chef des travaux qu’exécutent d’herculéens ouvriers…

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Chapelle de la Croix. Basilique San Frediano à Lucques

ermite puis évêque, se signale dans l’histoire par le détournement de en effet par dont le grand-oeuvre fut de changer le cours de la rivière Serchio.

et, comme attendu quand il s’agit de saint Michel archange,

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chemine avec la balance des âmes qu’une monstrueuse diablesse retient…
Beaucoup de diables dans les œuvres de cette époque, nous y reviendrons.

Saint Pierre Martyr, exorcise un démon ayant pris les traits d’une Vierge à l’Enfant (ca 1450).

Antonio Vivarini (Venise, actif entre 1440 et 1475, né à Murano en 1415 et mort en 1484).

Comment s’explique une telle image ?

Ce saint prédicateur y relève un défi lancé par des hérétiques qui s’étaient vantés d’avoir vu se manifester dans l’un de leurs lieux de culte la Vierge avec l’Enfant. Ce sont sans doute des patarins, puisque leur nom indique qu’ils ne récitent que le Notre Père. Leur relation à la Vierge est donc douteuse. Le saint démasque l’imposture en présentant à la fausse Vierge une hostie consacrée qui la met en fuite. Afin que nul n’en ignore, la « Vierge » et l’« Enfant » sont pourvus de cornes et de pieds fourchus. Cette scène figure dès le XIIIe siècle dans l’une de ses premières « Vies », celle de Thomas de Lentino [Cette « vie » constitue l’essentiel de l’article des Acta Sanctorum sur le saint (Aprilis, t. III, Venise, 1738, p. 678-719)]

Source : https://www.cairn.info/revue-du-nord-2004-1-page-25.htm

Saint Pierre Martyr (env. 1205 – 6 avril 1252), encore dit « Pierre de Vérone » fut un prédicateur et inquisiteur dominicain. Elevé dans une famille cathare, il fit des conversions parmi ceux-ci et les patarins. Un mécréant lui fendit le crâne d’un coup de serpe, d’où l’image canonique de son martyre…

Tableau de Pedro Berruguete (1450 – 1504) à Madrid (Musée du Prado)

Le même peintre l’a également représenté en prière…

On doit par ailleurs à Antonio Vivarini un « Miracle du feu de saint Pierre Martyr devant le Sultan »…

Vivarini représente également Pierre Martyr en train de faire repousser la jambe coupée d’un jeune homme qui s’en était amputé pour se punir d’avoir donné un coup de pied à sa mère…

(New York. Metropolitan Museum of art)

Ici, le saint exorcise une femme possédée du démon…

(New York. Metropolitan Museum of art)

Là, la Vierge lui apparaît alors qu’il est en prière…

(The Met, une fois encore)

Source de ces tableaux : https://www.metmuseum.org/art/collection/search/437909

Version moderne du même saint (on l’imagine réalisée pour film gore mais non, c’est pour une église tenue par les Dominicains)…

Neilson Carlin, l’auteur de ce tableau, peignit pendant longtemps des héros de Comic Books avant de se spécialiser dans les « vrais héros », ce qui conduisit ce protestant à se convertir au catholicisme…

On le voit : même avec des super-pouvoirs, le combat contre les hérétiques était un sport dangereux.

Grande figure dominicaine, saint Pierre Martyr était-il un fêlé ?

J

Oublions la pornographie et parlons du consentement

Violences faites aux femmes ?
J’ai rappelé ce que les féminicides doivent à la guerre (qui veut la guerre ou y consent honore la violence).
Presque aussi important, il y a le sexe soit, pour l’essentiel, la rencontre des hommes et des femmes en tant qu’hommes et femmes : aptes à se révéler l’un par rapport à l’autre.
Se révéler, se dévoiler, se déployer… tout le problème est là. Ce n’est pas de rencontre qu’il s’agit

Se révéler, se dévoiler, se déployer… tout le problème est là car, en vérité, il n’y a pas de « rencontre » amoureuse, comme s’il s’agissait d’êtres prédéfinis dont on perçoit qu’ils s’emboîtent, plus ou moins bien et, si c’est vraiment bien, pour la vie. Les marieuses d’antan, les agences matrimoniales d’hier, les réseaux de rencontre d’aujourd’hui et les statisticiens de toujours… l’ingénierie sociale pense ainsi, mais jamais ceux qui se croisent… en se demandant si, les fourvoyés, les intuitifs, les séducteurs ni ceux qui sont en quête de l’âme-sœur ou d’un coup pour la nuit.

C’est un « processus » qui s’amorce où, parfois, l’on s’invente et ce n’est pas bon signe et, à d’autres, un Nous peu à peu se dessine qui n’est ni Toi ni Moi, mais joie enfin à laquelle on souhaite bonne chance et, peut-être, on désire ardemment.

Mais voilà, le sexe est aussi un « marché », une marque identitaire, un programme, un examen à passer, une aspiration confiante ou un défi paralysant. Non un miracle, mais une épreuve et, plutôt qu’une entrée dans l’indicible, un répertoire de cases à remplir, un catalogue de figures imposées.

Où le trouver ce catalogue ? Pour les néophytes, les malchanceux, les maladroits, tout est là. Interroger autour de soi touche à d’inaccessibles pudeurs et au-delà, pour ceux qui insistent, n’ouvre souvent que sur d’inutiles timidités, des placards honteux, des obsessions sinistres, des paroles convenues ou d’incroyables prétentions empruntées au catalogue de la pornographie.

L’emprunt, c’est ce qui est le plus facile, donc la pornographie. Internet et les réseaux sociaux avec, encore, les jeux vidéo, les magazines et le cinéma, voilà où se trouve le panier de réponses le plus fourni et le plus accessible.

Les attitudes, les performances, les goûts spéciaux, on y trouve tout, de quoi être effaré, excité souvent, désirant parfois mais quoi ? Cela ne peut se résoudre que dans la répétition masturbatoire, seul ou à deux, voire à trois, quatre ou plus si on fait dans le luxe, mais de relation, il n’en est pas question.

En voilà qu’au moment de faire ses premiers pas dans la relation sexuelle, l’adolescent d’aujourd’hui (15 à 30 % d’entre eux d’après ce que dit Emily F. Rothman, la conférencière ci-après) a toutes ces références et, généralement, cette longue expérience du « plaisir solitaire ».

Ce qui vaut d’être inventé à deux, pas plus que ceux d’hier il ne sait l’aborder mais, à l’instant qui lui semble avoir entendu une forme de oui, pour répondre à la question « Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? », dans l’angoisse d’un désir débutant toujours prêt à se perdre, dans son stock de solutions virtuelles, il tire aux dés celle qu’il prendra : « Essayons ça ! ».

Alors, parlons de la pornographie sous l’angle du consentement. 1) S’en préoccuper. 2) S’interroger sur les façons de s’en assurer. 3) S’interroger sur la capacité des partenaires (dont soi-même) à avoir des idées claires sur ce qu’ils veulent dans l’instant, mais aussi à moyen et long terme.

définis l’un par rapport à l’autre. qui est pour l’essentiel l’espace de la
il y a aussi le sexetant qu’on fait des gueAlors, parlons de la pornographie sous l’angle du consentement. 1) S’en préoccuper. 2) S’interroger sur les façons de s’en assurer. 3) S’interroger sur la capacité des partenaires (dont soi-même) à avoir des idées claires sur ce qu’ils veulent dans l’instant, mais aussi à moyen et long terme.

Les hommes ? Ce sont ceux qui se battent…

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En concluant mon précédent billet, j’ai pensé à ce mot de Léon-Paul Fargue :

«  Dans la confusion du Jugement Dernier, quand il s’agira de séparer les hommes des taupes, des chrysanthèmes, des nuages, des aloses, des aurores ou des cascades, le fourrier et le greffier de la dernière heure s’écrieront  :
« Les hommes ? Ce sont ceux qui se battent… »

C’est ainsi qu’il conclut son « Bagarreurs », une plainte de temps de guerre qu’il inséra dans les « Déjeuners de soleil » publiés en 1942.

Adoubé « surréaliste », Léon-Paul Fargue (1876-1947) écarta cet encombrant honneur. Il continua cependant de voir André Breton, tout en restant ou devenant l’ami de tous (Mallarmé, Jarry, Henri de Régnier, Valéry, Schwob, Claudel, Debussy, Gide, Ravel, Auric et Valéry Larbaud).
Lors d’un déjeuner avec Pablo Picasso, en 1943, un AVC le rendit hémiplégique. Il écrivit cependant jusqu’à sa mort en 1947.
Poète de toujours et chroniqueur, il était le frère en écriture de Colette, une amie aussi, toute en charmes également, mais réaliste.

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Féminicides

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Oui, c’est l’horreur mais, pour ne pas former de guerriers au foyer, il ne faut pas non plus faire de guerre aux frontières.
Or on veut l’un et fait l’autre.

Protester au nom des femmes, c’est bien, mais voyons au-delà. Ce n’est qu’un début, continuons le…

Pas « le combat » tout de même !
Il est temps d’inventer de nouvelles façons de faire et refaire société.

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Des pouvoirs du maire face au globalitaire

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Daniel Cueff, maire de Langouët en Bretagne, est connu pour avoir promulgué un arrêté interdisant l’utilisation des pesticides à moins de 150 mètres des habitations.
La cause est sympathique et je la crois juste mais ce qui m’intéresse, c’est surtout la réponse de Daniel Cueff, le 20 juin 2019, au recours gracieux formulé par la préfète d’Îlle-et-Vilaine. Ce n’est pas une nouvelle du jour mais je n’avais pas encore lu ce texte.
Or il y a là un chef-d’œuvre d’argumentation juridique et administrative, extrêmement serrée, sur une question à grandes conséquences : la réaffirmation du local dans un réseau d’institutions économiques et juridiques sous l’emprise abusive du global, autrement dit face au globalitaire .

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