La possibilité du Nous

Nous ne sommes pas un parti, ni un groupe, ni un camp, ni une coterie car il n’y a pas de Contre qui puisse nous définir. Et pourtant j’écris Nous alors qu’à cet instant je suis seul à écrire.

Alors pourquoi ?

H4 J’écris Nous parce qu’on ne pense pas seul et qu’il n’est rien que l’on puisse dire à soi. Ce sont les autres qui décident.

Parce que la pensée ne vaut qu’à éclairer l’action et que l’action qui vaut est collective.

H5 Parce qu’ainsi le Nous est déjà là, au cœur même du Je qui pense et qui agit, un Nous en devenir constant.

J’écris Nous parce que Nous est le but et que je crois que le Nous est possible.

Et nécessaire. Et déjà là. Et que nous ne savons jamais combien déjà nous sommes, combien demain nous serons.

Citation Et donc j’écris Nous parce que nous avons le temps. Tout le temps qu’il fera. Il ? C’est-à-dire nous, et cela n’a pas de fin ni de début qu’on puisse prononcer. Cela n’a pas commencé avec moi et ne périra pas dans ce corps que l’on dit être à moi.

H5 J’écris Nous parce que la vie se déploie dans un autre temps que celui des choses qui se font et qui durent, de ces choses qui nous font et parfois nous refont… parce que nous avons peur.
Ce qui s’impose, ce que l’on croit qui s’impose, voilà ce dont les choses sont faites, de la matière même de la peur qui déchire.

Et la peur nous précipite les uns contre les autres.
Qu’on l’aime, qu’on l’ignore ou l’écarte, on ne reconnaît jamais le voisin qu’on écrase : ce n’est pour nous qu’un obstacle à la fuite.

H6 C’est pourquoi j’écris Nous comme possibilité de nous libérer de la pesanteur des choses et des vertiges de l’esprit chutant dans le conflit. J’écris la possibilité du Nous, de Nous plus vastes, plus entendus. Et nous les sommes déjà, bien plus que nous croyons.

J’écris ce que je crois vrai et il n’y a de vrai que ce qui est déjà. Tout le reste est silence, mais si la peur l’occupe, alors mieux vaut que nous parlions.

Dans l’avant-guerre de ce temps…

C’était en fond de crise, en 1935, entre-deux-guerres, une avant-guerre toute hérissée de monuments aux morts (nous n’en érigeons plus : les morts que nous faisons, nous les noyons, nous les incinérons ou les pulvérisons), et Malraux, lui, rêvant résurrections, vers les statues aux yeux blancs, avançait à tâtons…

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« Une œuvre d’art, c’est un objet, mais c’est aussi une rencontre avec le temps. Et je sais bien que nous avons découvert l’histoire. Les œuvres qui passaient de l’amour au grenier peuvent passer de l’amour au musée, mais ça ne vaudra pas mieux.
Toute œuvre est morte quand l’amour s’en retire.

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