C’était en fond de crise, en 1935, entre-deux-guerres, une avant-guerre toute hérissée de monuments aux morts (nous n’en érigeons plus : les morts que nous faisons, nous les noyons, nous les incinérons ou les pulvérisons), et Malraux, lui, rêvant résurrections, vers les statues aux yeux blancs, avançait à tâtons…

« Une œuvre d’art, c’est un objet, mais c’est aussi une rencontre avec le temps. Et je sais bien que nous avons découvert l’histoire. Les œuvres qui passaient de l’amour au grenier peuvent passer de l’amour au musée, mais ça ne vaudra pas mieux.
Toute œuvre est morte quand l’amour s’en retire.
Et pourtant, il y a un sens à ce grand mouvement…
Arts, pensées, poèmes, tous les vieux rêves humains, si nous avons besoin d’eux pour vivre, ils ont besoin de nous pour revivre, besoin de notre passion, besoin de nos désirs, besoin de notre volonté.
Ils ne sont pas là comme les meubles d’un inventaire après décès, mais comme ces ombres qui attendent avidement les vivants dans les enfers antiques. […]
Il s’agit pour chacun de nous de recréer dans son domaine propre, par sa propre recherche, pour tous ceux qui cherchent eux-mêmes, l’héritage de fantômes qui nous environne…
d’ouvrir les yeux de toutes les statues aveugles. »
Tel est mon vœu en 2020
dans l’avant-guerre de ce temps.