Nous sommes des proies depuis toujours

Bloodrites07La dénonciation que je viens de faire de l’idéologie sacrificielle m’incite à rééditer le présent article, précédemment publié en juillet 2012. C’est un compte rendu, synthétique d’abord puis détaillé, d’un livre magistral :
Barbara Ehrenreich. Blood Rites. The Origins and History of the Passions of War. USA 1997. Metropolitan Books. UK 2001 Granta Books, 270 p.
(Trad. française : Le sacre de la guerre. Essai sur les passions du sang. Calmann-Levy 1997, 281 p. et 1999, 328 p.)
Sa documentation est désormais un peu ancienne. Elle gagnerait à être complétée et nuancée par les derniers travaux des anthropologues. Tout suggère que cela ne saurait changer le cœur de son argumentation.


Barbara Ehrenreich part d’une évidence négligée : si l’homme est un prédateur, ses ancêtres – les nôtres – étaient des proies. Cette expérience « préhistorique » de deux à trois millions d’années pèse lourd par rapport aux 5.000 ans d’histoire humaine pendant lesquels la guerre est devenue le premier des prédateurs que nous ayons à craindre. Continuer la lecture de « Nous sommes des proies depuis toujours »

Aventurer l’avenir

1. Nos dieux sont des avatars des bêtes de proie et, contrairement aux apparences, nous ne nous sommes pas encore libérés de la problématique du sacrifice humain.

2. Nos civilisations, nées de la guerre, continuent de la promouvoir.
L’adage « Qui veut la paix prépare la guerre » est mensonger. Il cache la vérité contraire au cœur même de l’idée de civilisation : « Qui veut la victoire se dote de l’arme absolue, qui est la paix civile nécessaire aux combats ».

3. Le besoin de coexistence étant devenu planétaire, nous ne saurions éviter la destruction mutuelle en faisant plus de la même chose.

4. Il faut donc faire autrement :
– nous remettre, religieusement, à l’écoute des processus continus de révélation ;
– intensifier, laïquement, les processus de négociation nécessaires à l’invention des moyens de vivre ensemble ;
– réévaluer les données (culturelles, philosophiques, psychologiques, morales et politiques, techniques…) qui fondent nos existences.

5. La route à prendre se déduit du but à atteindre (vivre ensemble sans destruction mutuelle) autant que de la situation présente (de féroce compétition sous les apparences de l’échange).

6. Chacun, pour l’essentiel, est encore pris dans « sa logique » : le système de ce qu’il croit être les conditions de sa survie et de sa pleine existence.
Tel est le point de départ.

7. L’approche à développer est donc « métalogique ». Il s’agit de sortir de « sa » logique pour imaginer le système dont elle fait partie et en déduire d’autres modes d’action.

8. Elle ne saurait dire l’ordre du monde vers lequel nous allons, ou devrions aller : tout énoncé de cet ordre avantagerait certains au détriment des autres. Il ne pourrait donc rallier…
– ni les politiques (ils luttent entre eux pour obtenir des places),
– ni les religieux (l’ultime appartient à Dieu),
– ni les philosophes (ils y reconnaitraient immédiatement un paradoxe).

9. Mais elle cherche les idées et les moyens qui peuvent conduire chacun vers des façons d’agir et de penser qui ne soient pas incompatibles avec celles d’autrui.

10. La destruction mutuelle étant la pierre de touche de l’approche métalogique, celle-ci se veut respectueuse du passé, celui de chacun, et donc celui de tous.
Au nom de son objectif de coexistence, elle invite néanmoins chaque communauté à réexaminer son histoire pour y découvrir ce qu’elle comporte d’inaperçu par elle-même et de possible pour tous.

11. Nos civilisations vivent de la guerre perpétuelle sous prétexte de tendre à la paix perpétuelle, celle qui leur permettra, enfin et pour toujours, d’« avoir la paix ». Mais cette « paix » que l’on voudrait « avoir » ne convient jamais qu’à celui qui la rêve.

12. Les vieux rêves sont infantiles. Ainsi en est-il des rêves de paix qui nous ont dressés les uns contre les autres sous prétexte de rétablir nos droits.
Quoi de plus vain…
– que la beauté d’Hélène si elle nous vaut la guerre de Troie ?
– que le tombeau du Christ s’il légitime les croisades ?
– que la pratique de la vraie foi si elle entraîne les guerres de religion ?
– que l’abolition des privilèges si, après les guerres de la Révolution et de l’Empire, elle n’ouvre qu’à la lutte des classes ?
– que la notion d’espace vital si, pour la mettre en œuvre, il faut deux guerres mondiales, le conflit israélo-palestinien et la guerre froide ?

13. Rêves infantiles… La preuve ?
Ce sont toujours des rêves de liberté.
Pour soi, évidemment. Pas pour autrui.
Si nous voulons échapper à la guerre perpétuelle, il va nous falloir aussi renoncer à nos rêves de paix.

13. De grandes œuvres, des mots et des pratiques… les tracent dans nos cultures, en filigrane.
Pour dépasser la guerre, et le rempart de paix rêvée derrière lequel s’abritent nos civilisations, il va falloir aventurer l’avenir au delà de l’idée même de civilisation.

Première publication : 18 juillet 2012

Lire aussi…
Dépasser les conflits inutiles

12 septembre 2001

Un événement a servi de catalyseur aux idées que je développe sur ce blog. En voici la trace : une note que j’ai envoyée à mes correspondants… le lendemain du « 11 septembre »…

Ma réflexion ne fait que commencer

Mon envoi de l’autre jour semble frivole par rapport à l’actualité : l’action des hommes-suicide, hier, à New York et Washington.
Je n’écris pas « crimes », je n’écris pas « lâcheté » car l’arrogance, l’absence de compassion, l’absence de solidarité ont inspiré ces « crimes », comme tous ceux qui les ont précédés, du Nord contre le Sud, des riches contre les pauvres, des uns contre les autres.« Crimes » ou « sacrifices humains » ?
La deuxième expression est plus juste qui prend ensemble tous les initiateurs et toutes les victimes.
J’y vois l’occasion de me redire mes croyances (le mépris tue, toute puissance de développement porte une puissance de destruction équivalente, la paix est à FAIRE par moi et chacun de nous en soi et avec autrui, etc.) et une incitation à en tirer toutes les conséquences.
La crise va être militaire (les USA seront incapables de ne pas se venger), politique et économique. L’intensité et la durée de la crise devraient être équivalentes ou supérieures à celles de la Guerre du Golfe. Continuer la lecture de « 12 septembre 2001 »